Connaissez-vous vraiment l’histoire du bleu de travail ?
Le fameux bleu de travail, apparu durant la révolution industrielle, n’est pas simplement un vêtement porté à l’usine pour se protéger. Vous allez découvrir qu’il incarne des valeurs fortes, possède une histoire et est devenu un véritable symbole ouvrier.
L’histoire du bleu
Avant le XVIIIe siècle, les vêtements de couleur bleue étaient réservés à l’élite, car leur production était coûteuse et leur fixation sur le textile complexe. Toutefois, à partir de 1700, Johann Jacob Diesbach, un marchand de couleurs, entreprend de créer un pigment laque d’un rouge profond. Il fait équipe avec Johann Conrad Dippel, un chimiste allemand spécialisé dans la recherche sur les huiles animales. En utilisant la potasse de Dippel, Diesbach parvient non pas à obtenir le rouge intense désiré, mais plutôt un bleu profond. Ainsi naît le bleu de Prusse, nommé d’après son lieu de fabrication en Allemagne. Cette découverte révolutionne l’industrie textile de l’époque, car elle permet désormais de produire une teinte bleue intense à moindre coût. Le bleu de Prusse devient alors la couleur emblématique des ouvriers.
L’apparition du bleu de travail
Le bleu de travail apparaît durant la révolution industrielle au XIXe siècle, à une époque où les usines et les machines se développent à grande échelle pour une production toujours plus importante. À ce moment-là, les ouvriers ne portent pas de vêtement de travail imposé, ce qui entraîne fréquemment des accidents. Ces accidents sont principalement liés à des tenues inadaptées qui se coincent dans les machines, pouvant entraîner, dans les cas les plus graves, la mort de l’ouvrier. La question de la sécurité des salariés dans les entreprises se pose alors. C’est ainsi que le bleu de travail apparaît. Tout d’abord, il prend la forme d’une simple blouse munie d’une ceinture pour protéger les ouvriers d’éventuelles tâches. Puis, la blouse évolue vers une veste plus épaisse à la coupe droite, à enfiler par-dessus les habits. La création de cette veste permet de limiter les accidents grâce à un vêtement de travail plus adapté. C’est ainsi que le vêtement est adopté dans les usines.
Le bleu de travail, un symbole ouvrier
Au-delà d’être simplement un vêtement fonctionnel, le bleu de travail est une véritable identité pour les ouvriers, une façon pour eux de se faire représenter. Traditionnellement associé au genre masculin, il symbolise l’homme fort, dévoué à sa tâche, prêt à se salir les mains pour accomplir son travail. C’est pourquoi la couleur bleue foncée est privilégiée, car elle est peu salissante. C’est ainsi que les ouvriers sont surnommés les « cols bleus », en opposition aux « cols blancs », les employés de bureau qui n’ont pas à effectuer un travail manuel et peuvent se permettre de porter des vêtements de couleurs claires.
Cependant, au fil du temps, l’image de l’ouvrier se détériore, en grande partie à cause de cette distinction entre les cols bleus et les cols blancs.
Le métier d’ouvrier est perçu comme ingrat, considéré comme inférieur par rapport aux employés de bureau, et de nombreux stéréotypes circulent à leur encontre.
Par la suite, les femmes commencent également à porter le bleu de travail. Pendant la Première Guerre mondiale, elles sont mobilisées pour « prendre la place des hommes » et travailler en usine. Beaucoup d’entre elles enfilent alors les pantalons de leurs maris partis au front. Elles adoptent ainsi un style considéré « masculin » pour l’époque, sans pour autant renier leur identité féminine. Le bleu de travail perd peu à peu sa connotation de virilité masculine et devient un vêtement de travail mixte, un compagnon pratique et confortable pour effectuer un travail manuel.
L’évolution du bleu de travail
Au fil des années, le bleu de travail perd de sa signification et cède peu à peu sa place aux salopettes.
Alors que les États-Unis adoptent le jean, la France voit l’émergence du largeot créé par Adolphe Lafont. Le bleu de travail, autrefois porteur d’une époque révolue, est associé à une image dépassée de l’ouvrier. Cette image ne correspond plus à la nouvelle génération, qui cherche à se détacher des stéréotypes liés aux ouvriers. Les jeunes préfèrent adopter de nouveaux types de vêtements de travail tels que le largeot, la vareuse, le coltin et la salopette, qui apparaissent peu à peu dans le paysage de l’artisanat.
Le bleu de travail dans la mode
Le vêtement de travail n’est plus lié à un genre spécifique. Hommes et femmes arborent fièrement leurs largeots et leurs salopettes. Bien que le bleu de travail tende à disparaître, on le retrouve encore aujourd’hui dans de grandes enseignes de luxe qui réinventent ces pièces pour les rendre tendance. Les vêtements de travail occupent désormais une place dans le quotidien et sont à la fois tendance et fonctionnels, pouvant être portés aussi bien au travail que dans la vie de tous les jours.
SOURCE :
L’histoire du bleu de travail : étude réalisée par Anne Monjaret « Le bleu de travail, une affaire d’hommes ? Pratiques populaires autour d’un symbole ouvrier masculin »